Le mythe de la sorcière est ancien, et très abondant. Au cours des siècles, son apparence, sa nature, ses raisons d’être ont évolués, variés, donnant ainsi plusieurs visions de cette femme émancipée et cultivée. Car si on réfléchit un peu, qui est la sorcière sinon une femme qui ne dépend d’aucun homme à une époque où la soumission au maître de famille est le modèle prédominant ? Pourquoi la craint-on si ce n’est parce qu’elle a des connaissances qui peuvent aider comme tuer ? Généralement, le mythe le plus répandu de la sorcière est celui de l’époque moderne, XVIème au XVIIIème siècle, où elle devient servante du diable, ennemie de l’homme, créature infernale vouée au mal. Mais d’autres légendes, plus anciennes, en montre une autre facette : la sorcière devient ici et là, prêtresse de la déesse Hécate dans l’Antiquité, lien avec le monde des morts, ou bien guérisseuse pour d’autres. Pour certains chercheurs et historiens, la pratique de la sorcellerie serait simplement l’action sur des lois naturelles qu’on a oublié ou que la science moderne ne peut plus comprendre.

Quelles que soient sa nature et sa tâche, la sorcière a été abondamment citée et développée dans le monde de la culture : romans, bandes dessinées, films, séries … On la retrouve partout, chaque fois différente.
Ainsi, dans la série Buffy contre les Vampires, Willow Rosenberg illustre le type de la sorcière actuelle, celle qu’on appelle « wicce », du mouvement religieux Wicca : ces femmes (et ces hommes aussi, pas de discriminations) sont des adeptes du culte de la nature et de la magie blanche, magie soit inoffensive, soit au secours des gens qui y font appel, pour des petites blessures ou des problèmes psychologiques.

Evidemment, qui dit sorcier dit Harry Potter. A-t’on réellement besoin de revenir sur la saga phénomène ? Un mot, un seul, pour expliquer en quoi l’univers de J.K. Rowling est une réécriture des mythes de sorcellerie : l’auteure admet en effet qu’elle s’est fortement inspirée de la mythologie et du folklore britannique pour développer le monde de son personnage.
De nombreuses autres séries, bien connues elles aussi, présentent des sorcières comme personnages principaux : Ma Sorcière bien-aimée, Charmed, Sabrina apprentie sorcière … Pour ne citer que les plus connues. Récemment, on a pu voir des sorciers et sorcières dans The Vampire Diaries et son spin-off The Originals, dans Supernatural (article mercredi), et dans le succès Once Upon a Time. Ici, les sorcières sont soit foncièrement bonnes, soit totalement maléfiques.

Côté films, la liste est moins longue mais comporte des titres bien connus : la célèbre petite sorcière Kiki, créée par Hayao Miyazaki, le terrifiant Projet Blair Witch, ou encore il y a peu l’humoristique Hansel and Gretel : Witch Hunters. Ces deux derniers présentent les sorcières comme antagonistes et maléfiques, peu éloignées de l’idée qu’on s’en faisait au XVIème siècle.

Mais du côté de la littérature, on les retrouve bien plus souvent, et surtout dans des œuvres de qualité ! Il y a quelques années j’ai été très marquée par les romans Journal d’une Sorcière et Mémoires d’une Sorcière de Celia Rees, mettant en scène une jeune fille anglaise au XVIIème siècle fuyant le Royaume-Uni pour le Nouveau Continent, accusée de sorcellerie. Les romans mettent en relation la sorcellerie occidentale avec la sorcellerie des Amérindiens qui recueillent Mary, prouvant par là que la sorcellerie ne vient pas d’un pacte avec le diable, mais bien de la connaissance de la nature. Le deuxième tome rapproche le passé et le présent en faisant intervenir une descendante de Mary, une jeune indienne du monde d’aujourd’hui, qui n’accorde pas de crédit aux légendes sur son ancêtre mais doit réviser ses positions quand celle-ci la contacte depuis son époque pour lui faire voir la fin de son combat contre les britanniques.
L’autre figure très connue de la sorcière se trouve dans le fameux Pays d’Oz, où deux sorcières s’affrontent par le biais de la jeune Dorothée : les méchantes sorcières du Nord et du Sud contre Gloria et sa sœur, les bonnes sorcières de l’Est et de l’Ouest.
On les retrouve mauvaises mais dissimulées chez Roald Dahl, dans Sacrées Sorcières, un roman que j’ai lu à l’âge de 10 ans et qui m’avait réellement fait peur.
Elles sont mauvaises ou bonnes, mais toujours sur le point de pencher vers la noirceur, dans la série L’Epouvanteur de Joseph Delaney (dont je n’ai lu que le premier tome, mais qui avait réussi à me faire assez peur également).
Récemment, c’est dans le roman La Femme au Miroir de Eric-Emmanuel Schmit qu’une nouvelle figure de sorcière m’a touchée : Anne de Bruges, pieuse et pure, accusée de sorcellerie à cause de sa vision de la religion liée au culte de la nature. Toujours dans la littérature française, elle est douce et jardinière hors paire dans Verte de Marie Desplechin.

On pourrait continuer longtemps comme ça, mais j’imagine que vous avez déjà une liste de choses à lire assez longue, non ? En plus, vous avez sûrement dû comprendre quel est mon point à travers cette présentation succincte de la sorcière au cours des siècles et de la nouvelle représentation qu’on donne d’elle à chaque roman, film ou série qui la fait apparaître. La sorcière n’est pas une créature ou noire ou blanche, comme tout ce qui existe, les légendes et les faits doivent être pris avec des pincettes, mais aussi savourés pour tout ce qu’ils nous apprennent de la nature humaine en général !
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